J’espère que vous allez bien!
Aujourd’hui, j’ai décidé de ne pas choisir de sujet spécifique et de consacrer tout l’article à mon point d’étape. En effet, j’avais annoncé que je ferais le point sur ma pratique à environ un mois et demi du début de l’année. Et… on y est! C’est vite passé, non?
Ça veut également dire que j’ai prolongé la durée du sondage concernant mon prochain billet sur l’écriture. Si vous ne l’avez pas encore fait, vous pouvez donc encore voter à la fin de mon dernier article.
Mes observations
Tout d’abord, voici les différents constats que j’ai pu faire depuis le début de l’année :
Mes succès
J’ai le plan complet de deux romans — celui dont je vous ai déjà parlé, mais aussi la saison 2 de Nocturne. Ce doit être ma dixième version… Sauf que, cette fois, j’en suis vraiment fière! J’ai le sentiment d’avoir une bien meilleure compréhension qu’il y a encore un ou deux ans de la façon dont un récit doit se développer, et dont les divers aspects d’un roman se raccordent.
(Psst! Si cet aspect vous intéresse, c’est l’option « Construire un plan de roman en 3 actes » dans le sondage.)
Mes difficultés
Je pourrais les résumer en un mot : écrire.
Durant ces 45 jours, j’ai pourtant écrit pas mal de brouillons (pour trois projets différents), mais j’ai toujours l’impression que la scène meurt sur la page dès qu’elle sort de ma tête, et je ne sais pas comment la ranimer. Même si j’essaie de l’analyser puis de la réécrire, dès l’instant où je repasse à la rédaction… rebelote!
Objectivement, j’ai identifié trois problèmes : 1) j’ai du mal à créer des situations de crise, et donc des climax satisfaisants, à l’échelle de mes scènes (c’est l’option « Créer une dynamique narrative » dans le sondage), 2) j’ai du mal à trouver une voix qui correspond au projet, et 3) je ne sais pas réviser un mauvais texte pour le rendre meilleur.
Cela dit, j’ai l’impression que ces trois problèmes apparents proviennent d’une source commune, et beaucoup moins objectivable. Ma véritable difficulté, depuis maintenant plus de deux ans, c’est de réussir à m’investir dans ce que j’écris. Je suis toujours à distance, je ne le ressens pas. Alors, j’ai beau avoir construit une crise efficace en théorie (dans mon plan), je n’arrive pas pour autant à la rendre en pratique.
Car une crise n’a d’existence que subjective. Un autre personnage ne serait pas forcément en crise dans la même situation. Donc, la seule manière d’exprimer réellement cette crise, c’est d’arriver à entrer dans le personnage, à ressentir (et faire ressentir) ce qu’il ressent.
L’expérience « Fast Draft »
Ce que je n’ai pas raconté la dernière fois, c’est que j’ai manqué d’assurance pour tenter le Fast Draft de Candace Havens (un premier jet en 14 jours) avec ma romance fantasy. Tout à coup, j’ai eu envie de me remettre à la saison 2 de Nocturne. Sauf que mon dernier plan, qui datait de début décembre, s’est avéré manquer de détails, et comme j’ai inclus de nouvelles idées à mesure qu’elles me venaient…
Au bout de cinq jours, je me suis retrouvée dans l’impasse. Et cela a provoqué une grosse crise émotionnelle et existentielle dont je me remets à peine.
Interprétation et apprentissages
Sur le plan technique
Ray Bradbury avait raison. J’avais tort.
Les plans de roman, ça va, je maîtrise à peu près. À ma propre surprise, ce qui me pose le plus de problème aujourd’hui n’est pas propre au roman : une nouvelle aussi est constituée de scènes, une nouvelle aussi a une voix spécifique, et une nouvelle aussi peut avoir besoin de révisions. Une nouvelle aussi ne fonctionne que si je ressens ce que j’écris.
De plus, en analysant une énième fois le premier épisode de Nocturne (saison 1), je me suis rappelé qu’à l’origine, c’était censé être une nouvelle. Cela explique certains de ses défauts, comme le décalage de ton avec les épisodes suivants, ou encore son côté un peu caricatural — je n’avais pas la place d’être plus nuancée.
Mais, en même temps, cette ex-nouvelle est super bien construite, et j’ai réalisé à quel point cela m’avait aidée à écrire les 11 épisodes suivants : il m’a suffi de dérouler les fils que j’avais judicieusement mis en place.
Sans parler de la satisfaction d’avoir un texte quasi-autonome déjà terminé! Jusqu’assez loin dans l’écriture de la saison complète, j’avais toujours l’intention de soumettre le premier épisode à un concours de nouvelles, et je crois que ça m’a motivée. Alors qu’on ne peut rien faire, à priori, avec un début de roman.
Bref, je suis revenue sur mon refus de pratiquer l’écriture au travers de textes plus courts qu’un roman. Je pense que c’est le format du défi Bradbury qui ne me parle pas, qui est trop rigide et intimidant pour moi, et qui m’a fait oublier que j’avais aussi quelques nouvelles parmi mes projets d’écriture :
- des genres d’épisodes bonus, hors saison, situés dans l’univers de Nocturne;
- une réécriture du mythe grec d’Hélène et de Pâris.
Sur le plan émotionnel
Ces derniers jours, j’ai fait pas mal de recherches sur le TDAH (dont j’ai parlé dans mon dernier article). Et je dois vous dire que, plus j’en apprends dessus, plus je suis convaincue d’en « souffrir ». C’est même assez étrange de voir autant de mes comportements, que je croyais uniques et originaux, être expliqués aussi simplement par la science — et partagés par autant de personnes : des personnes avec un diagnostic de TDAH.
Et ça m’aide énormément à me comprendre. Par exemple, je comprends à présent que le Fast Draft, dans sa version neurotypique, ne pouvait pas me convenir. Car il est basé sur deux concepts qui sont notre kryptonite : « Just do it » et « You can do it ». (Si vous comprenez l’anglais, cette excellente vidéo aborde le sujet : ADHD and motivation.)
La plupart des gens, quand ils décident de faire quelque chose là, tout de suite… le font. Cela peut sembler évident, mais, en réalité, cela fait intervenir des processus cognitifs très élaborés… qui sont dysfonctionnels chez les personnes avec un TDAH. « S’y mettre », comme on dit, est un défi d’une ampleur démesurée quand on a un TDAH, surtout si :
- on doit interrompre une autre activité pour le faire,
- il n’y a pas d’urgence,
- il n’y a pas de récompense immédiate et garantie en vue,
- on y associe des peurs et des expériences négatives.
Quant à « You can do it », là n’est pas la question pour moi. En théorie, je sais déjà que c’est vrai. Mais, en pratique, c’est souvent faux, et le nier ne m’aide pas à changer ce fait.
Beaucoup d’écrivains souffrent du syndrome de l’imposteur : l’impression de ne pas être légitime et/ou capable, alors que nos réussites objectives démontrent le contraire (on s’explique alors ses propres réussites par des coups de chance, des erreurs, des méprises).
Pour ma part, j’ai toujours eu le sentiment d’avoir l’inverse du syndrome de l’imposteur. Et je me rends compte que c’est assez courant chez les personnes avec un TDAH.
Ceux d’entre nous qui ont découvert leur TDAH à l’âge adulte, en particulier, étaient généralement de bons élèves (c’est ce qui nous a permis de ne pas être repérés avant). Les personnes autour de nous reconnaissaient en général notre intelligence et nos capacités; notre « potentiel ». Nous étions destinés à faire de grandes choses. Si seulement nous étions : plus disciplinés, plus travailleurs, mieux organisés, moins impulsifs, moins émotifs, moins éparpillés…
Le résultat, paradoxalement, c’est que je me sens tout à fait légitime et capable de faire à peu près n’importe quoi, à fortiori ce dont j’ai envie. Ce sont mes échecs objectifs qui semblent démontrer le contraire. (On peut réussir à l’école jusqu’à un certain point parce que c’est très structuré, qu’il y a des échéances et des conséquences. Mais plus on avance dans la vie adulte, plus ça se gâte…)
Alors, non, je ne peux pas le faire — pas en l’état. J’ai dit que le Fast Draft n’exigeait aucune compétence littéraire. Mais ça n’en exige pas moins des compétences exécutives et émotionnelles. Que je ne maîtrise pas. Pour lesquelles j’ai besoin de beaucoup d’aide.
Donc, pour pouvoir continuer ma pratique, j’ai aussi besoin de concevoir un processus qui tient compte de mes limites, de mes difficultés mentales et émotionnelles. J’ai cherché des tas de trucs sur le Web, je les ai croisés avec ma propre expérience de ce qui me motive et ce qui me décourage, et j’ai désormais un plan. Et la première étape de ce plan, c’est de le tester et l’affiner au cours des semaines à venir.
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Dans deux semaines, je vous parlerai… du sujet que vous aurez choisi! N’hésitez pas à participer au sondage.
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