Apprendre, plutôt que vouloir

Point d’étape au 31/01

J’étais assez découragée il y a une semaine. J’avais tenté de me lancer dans mon premier jet de différentes façon, et chacune de ces façons, plutôt que de m’offrir une solution, semblait me révéler une nouvelle faiblesse, une nouvelle lacune dans mes compétences. La liste de ce que je ne savais pas faire, ou mal, ou sans constance, ne cessait de s’allonger.

Toutefois, comme je m’étais engagée à persévérer pendant au moins un mois, je me suis donné une dernière chance : depuis quelques jours, je teste la méthode de « Fast Draft » de Candace Havens. En même temps, je réécoute des anciens épisodes du podcast de Story Grid, et j’ai été frappée par une idée évoquée dans l’un d’eux : la plupart de nos obstacles sont émotionnels.

C’est plus qu’évident alors que je suis en plein Fast Draft, et que je suis censée ne me soucier d’aucune exigence littéraire, à part celle de transcrire mon histoire en mots. Voilà qui ne prend aucune compétence, et qui me paraît pourtant être le défi le plus difficile de tous. Ou alors, peut-être que savoir gérer ses émotions, ses peurs, ses préjugés et les messages fallacieux de son propre cerveau est la compétence la plus importante de toutes?

Aujourd’hui, je voulais vous parler d’état d’esprit et, plus précisément, du changement d’approche qui a donné lieu à cette résolution : pratiquer l’écriture. Ce n’est finalement pas si éloigné de la question à laquelle j’ai été confrontée ces dernières semaines : qu’est-ce qui est un objet d’apprentissage, et qu’est-ce qui n’en est pas un?


Le TDAH, c’est quoi?

En septembre, alors que je cherchais sur le Web des astuces pour m’aider à passer d’une tâche à l’autre — une gymnastique mentale à laquelle je suis si mauvaise qu’elle me fait perdre des jours entiers de travail —, je suis tombée sur cet article : What all ADHD adults need to do to make task switching easier. (J’ai aussi trouvé pas mal de ressources ciblant les enfants autistes, mais elles me sont vite apparues peu pertinentes.)

En français, ADHD ou ADD se disent TDAH, pour « Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité » (un terme parapluie, sous lequel on distingue trois profils : un à dominante hyperactive, un à dominante inattentive, et un profil combiné).

Je connais plusieurs autrices de romance qui souffrent de TDAH (Sabrina Jeffries, que j’ai rencontrée en 2011, ou Bree des Kit Rocha, que je suis sur Twitter). Pour autant, cela ne m’avait jamais effleurée que je puisse y être moi-même sujette. En partie parce que j’étais très mal informée sur ce que cela désignait, et en partie parce que je ne corresponds pas du tout au stéréotype, celui d’un garçon turbulent en échec scolaire.

Lire cet article m’a donc beaucoup surprise, parce que je m’y retrouvais complètement. Certes, n’importe qui peut avoir des difficultés à passer d’une tâche à l’autre, et il y a d’autres variables en jeu. Mais le fait est que cela a toujours été un immense problème pour moi, dont j’avais honte, et que j’attribuais à divers traits incorrigibles de ma personnalité (paresse, égoïsme), et en même temps, en certaines occasions, une qualité qui étonnait le monde autour de moi (« Quand tu avais deux ans, tu pouvais passer une heure à dessiner » ou « T’as déjà fini ce livre? Tu lis vite! » Moi : Non, j’ai juste été incapable de m’arrêter.)…

J’ai donc voulu en savoir plus sur le TDAH. Et devinez quoi? Je me suis reconnue dans un tas d’autres traits typiques, mais moins connus, car ne faisant pas forcément partie du diagnostic officiel : le fait d’être ultra-bordélique, étourdie, de perdre ou d’oublier des objets, des rendez-vous, des dates importantes; l’insomnie chronique; les réactions émotionnelles disproportionnées face à toute sensation (même infondée) de rejet; l’incapacité à rester sans bouger, ou même assise dans une position « normale »; la procrastination extrême, et j’en passe.

Alors, ai-je un TDAH? Je ne sais pas, et je me suis rendu compte que je n’avais pas besoin de le savoir. En effet, le seul fait d’envisager cela comme une possibilité a complètement changé mon état d’esprit, et cela suffit, pour l’instant, à me permettre de beaucoup mieux fonctionner. J’ai l’impression que cela a éclairé les zones d’ombre de mon validisme inconscient — et m’en a libérée par la même occasion.

1. J’ai arrêté d’interpréter mes difficultés comme des défaillances morales

Notre premier réflexe, parce qu’il est si ancré dans la culture, c’est d’attribuer nos erreurs à un défaut moral. Je le vois d’ailleurs dans ma propre façon d’être avec mon fils : quand je lui ai répété dix fois une consigne et qu’il fait exactement l’inverse, clairement, c’est qu’il ne veut pas réussir.

C’est très difficile de se reprogrammer quand on est habituée à se traiter soi-même de cette façon — parce que c’est ainsi que tout le monde nous a toujours traitée. « Tu étais censée faire ça et tu ne l’as pas fait? T’es vraiment trop paresseuse. Ou alors, tu ne penses qu’à toi, qu’à tes affaires. Tu manques de volonté. Tu manques de discipline. »

Or, si la source du problème n’était vraiment que morale, le réaliser devrait suffire à corriger notre comportement. Je n’ai pas envie d’être paresseuse ou égoïste. Et pourtant, j’ai beau essayer d’agir autrement, ça semble plus fort que moi. Je ne fais pas exprès d’échouer, encore et encore et encore.

Ce n’est pas que je ne veux pas réussir, mais que je ne sais pas comment faire.

Je sais depuis longtemps que je suis une très mauvaise enseignante, mais, en tant que parent, on n’a pas le choix que d’endosser un minimum le rôle d’éducateur. Et plus mon fils grandit et est amené à devoir maîtriser des tâches complexes, plus je vois l’étendue des opérations neurologiques invisibles qui mènent à la moindre réalisation.

En gros, il y a des types de tâches qui, étant jugés « suffisamment faciles » (ou intuitives) par suffisamment de monde dans notre société, ne sont pas dignes d’être formellement enseignées ou apprises. On nous dit « fais ceci », qui équivaut à « obtiens ce résultat », et tout le monde prend pour acquis qu’il suffit de le vouloir et de le décider, pour le faire effectivement.

Et quand ces actions (ou leur absence) ont des conséquences sur autrui, on attribue des qualités ou des défauts d’ordre moral aux personnes qui les réussissent ou les ratent. Ce qui n’aide absolument personne.

Donc, désormais, plutôt que de me sentir coupable de mes erreurs et de mes échecs, je choisis de les voir comme des difficultés que je peux surmonter, même si j’aurai besoin pour cela de plus d’aide, de plus d’étapes et de plus d’efforts que d’autres personnes.

2. Je ne cherche plus (en vain) les raisons de mes difficultés dans mon inconscient

Il y a une autre façon, moins moralisante et plus psychologisante, d’appréhender nos failles et nos manquements. Elle est moins dommageable que la précédente et, en général, je ne pense pas qu’on doive la proscrire : il s’agit de chercher par l’introspection des causes inconscientes, ou semi-conscientes, à nos comportements.

Le piège, à mon avis, est de croire qu’on peut toujours trouver une réponse, que tous nos actes ont une cause que l’on est capable de modifier, pourvu qu’on en prenne conscience. Car cela revient alors un peu au même que ce que j’ai décrit plus haut; sauf qu’au lieu d’un manque de sens moral, c’est un manque d’information, de lucidité, de connaissance de soi qui nous minerait.

C’est parfois le cas, et ça ne coûte pas grand-chose d’explorer ses motivations, ses peurs, ses croyances. Mais, une fois que c’est fait, si cela ne nous aide pas à changer, il est facile de retomber dans une forme de culpabilisation : pourquoi est-ce que je m’accroche à cette croyance limitante? Pourquoi est-ce que je m’autosabote? Pourquoi est-ce que je continue à mal faire alors que je sais ce qu’il faut faire?

Ça peut même mener au syndrome de l’imposteur : je dis que je veux écrire, mais je ne fais que procrastiner; peut-être qu’au fond de moi, je ne veux pas réellement écrire? Que ce que je prends pour ma vocation n’est en fait qu’une lubie, et que je ferais mieux de laisser l’écriture à ceux qui veulent écrire « pour de vrai », et qui le prouvent en le faisant?

Stop. C’est peut-être aussi simplement mon cerveau qui me met des bâtons dans les roues, et cela n’a rien à voir avec ce que je crois, ce que je veux ou ce que j’ai vécu quand j’étais petite — sauf dans la mesure où on ne m’a clairement pas appris à gérer ces difficultés.

C’est au moins aussi plausible qu’une histoire de fantôme ou de secret enfoui, même si c’est moins pittoresque. Et, surtout, même si cela signifie qu’il n’y a pas de remède, de solution définitive à ces difficultés, et que je dois avant tout apprendre à vivre avec.

3. J’accepte toute l’aide que je peux obtenir

La preuve que l’introspection n’est pas toujours mauvaise, c’est qu’en me rendant compte des points 1 et 2, un troisième point, qui relevait de mon état d’esprit inconscient, m’est apparu.

À savoir : pourquoi me suis-je accrochée si longtemps à ces modes de pensée néfastes et destructeurs? Parce que ce sont les modes de pensée dominants, certes. Mais, pour être honnête, j’ai plutôt l’esprit de contradiction, j’aime tout analyser, et « tout le monde le pense » est rarement une raison suffisante pour que j’accepte une idée.

J’ai ainsi réalisé que j’avais honte d’avoir besoin d’aide, et que cela puisse être l’horizon indépassable de ma vie. J’avais envie d’une solution permanente, pas d’une béquille dont je serais éternellement dépendante. Pour moi, le bonheur ne pouvait pas ressembler à ça.

Il y avait là-dessous un relent de validisme que je ne soupçonnais pas, mais aussi une préoccupation légitime. Après tout, certains traitements, d’abord développés à des fins médicales, en sont venus à être utilisés par des athlètes pour se doper. Est-ce qu’une personne qui n’a pas de problème avéré, si elle cherche des moyens d’être plus productive, de faire moins d’erreurs, n’est pas simplement en train d’obéir à l’injonction capitaliste d’être toujours plus compétitive, efficace, rentable?

Autrement dit : est-ce moi qui ne suis pas à la hauteur, ou est-ce que ce sont les attentes qu’on a de moi qui sont trop élevées?

C’est une question à laquelle chacun doit répondre pour lui-même, parce qu’il n’y a pas de réponse universelle ou objective. Mais, si vous voulez un conseil, en bonne conteuse d’histoire, je vous dirais de vous pencher sur vos désirs et sur vos besoins. Sont-ils alignés? Vos désirs vous empêchent-ils de satisfaire vos besoins? (C’est le cas si vous vous « dopez » pour tenir le rythme.) Ou bien, comme dans le voyage du héros, satisfaire vos besoins vous aiderait-il à réaliser vos désirs?

À ce sujet, je vous invite également à écouter cet épisode du podcast Simple & Cité de Florie Vine.

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3 commentaires

  1. Très inspirant, merci! Je vais retenir cette idée que nos obstacles dans l’écriture peuvent être émotionnels.

    1. Jeanne dit :

      Merci pour ce commentaire. 🙂

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